Tuesday, June 14, 2011

Algérie : Hausse des dépenses

Fort de la hausse des cours du pétrole et du gaz, et soucieux d’apaiser le mécontentement de la population face à la situation socioéconomique du pays, le gouvernement algérien a adopté une loi prévoyant une augmentation des dépenses de 25 % dans le budget 2011. Ces dépenses supplémentaires seront préoccupantes en termes d’inflation et de déficit budgétaire, néanmoins, une récolte exceptionnelle s’annonce, ce qui devrait permettre de réduire de coûteuses importations de blé, et de contribuer ainsi à soulager la pression qui pèse sur l’Algérie.

Début mai, le cabinet algérien a approuvé le projet de loi de finances complémentaire (LFC), qui prévoit de modifier le budget de l’Etat pour l’année 2011. Cette loi comprend différentes mesures visant à maintenir le prix des produits de base à un niveau abordable, à embaucher davantage de fonctionnaires et à augmenter les salaires de ces derniers, à stimuler l’activité économique dans les régions prioritaires du pays et dans le secteur des petites et moyennes entreprises (PME), à réduire le chômage grâce à des programmes de formation et à améliorer les infrastructures du pays et l’octroi de logements.

Le gouvernement modifie fréquemment son budget en milieu d’année pour refléter l’évolution du prix des hydrocarbures, qui représentent la majeure partie des recettes publiques ; cette année, toutefois, le budget a été modifié plus tôt qu’à l’accoutumée, sans doute en raison des manifestations et du mécontentement exprimé dernièrement par la population face à la situation socioéconomique du pays. La LFC prévoit d’augmenter les dépenses publiques d’environ 25%, portant ces dernières de 6.6 trillions de dinars (64 milliards d’euros) à 8.3 trillions de dinars (80.5 milliards d’euros) ; une augmentation calquée sur la hausse du cours du pétrole, observée au début de l’année. A la suite de cette augmentation, les dépenses publiques représenteront au total 70% du PIB. L’Etat prévoit de consacrer une bonne partie de ces fonds supplémentaires à l’augmentation des subventions sur les produits de base, tels que l’huile de cuisine, le sucre et le blé, afin d’améliorer le pouvoir d’achat des Algériens. En vertu de la LFC, les subventions sur ce type de produits seront portées à 271 milliards de dinars (2.6 milliards d’euros), soit une augmentation de 170% par rapport à 2010. La loi prévoit également des exemptions de taxes sur les importations et la TVA pour l’huile de cuisine et le sucre, afin que les prix de ces denrées soient plus abordables pour les consommateurs ; ces derniers avaient en effet manifesté en janvier pour protester contre le coût de ces produits.

Les fonds supplémentaires permettront également de financer l’augmentation de salaires accordée aux fonctionnaires et de couvrir les coûts occasionnés par le recrutement de 60 000 fonctionnaires supplémentaires, cette année. La loi prévoit également de consacrer 139 milliards de dinars (1.3 milliard d’euros) au financement de programmes de formation en faveur des jeunes, afin de lutter contre le chômage ; et d’augmenter de 897 milliards de dinars (8.7 milliards d’euros) les financements accordés aux projets de logement, l’Etat projetant de construire 400 000 logements supplémentaires.

Le budget comprend également diverses mesures fiscales destinées à soutenir la croissance des PME, en particulier dans des régions prioritaires du pays que le gouvernement juge sous-développées. Ces mesures visent entre autres à réduire les cotisations de sécurité sociale des entreprises opérant dans le sud du pays et dans les hauts plateaux. Les entreprises appartenant à la catégorie des « micro-entreprises », et les entreprises créées en vue de régulariser le travail au noir bénéficieront également de mesures incitatives importantes, notamment d’une exemption de taxes pendant leurs deux premières années d’exercice et d’allègements fiscaux supplémentaires de 70%, 50% et 25%, respectivement, au cours des trois années d’exercice suivantes.

Cette hausse des dépenses, conjuguée à une réduction des recettes publiques due à divers allègements fiscaux, portera le déficit fiscal nominal annoncé dans le budget à 33.9%, ce qui à première vue laisse à penser que les dépenses prévues ne seront pas viables. En réalité, toutefois, le déficit sera bien moins élevé, car les estimations budgétaires sont effectuées sur la base d’un prix moyen du pétrole établi à 37 dollars le baril, soit environ la moitié du cours constaté jusqu’ici en 2011. Le gouvernement pourra également puiser dans le fonds national de stabilisation du pétrole pour combler le déficit. Ce fonds a été créé pour permettre d’équilibrer le budget face au cours instable du pétrole ; l’Etat peut y avoir recours tant que le solde de ce fonds est maintenu à un minimum de 740 milliards de dinars (7.15 milliards d’euros). Début mai, le fonds atteignait 4 trillions de dinars (38.6 milliards d’euros), ce qui laisse une marge de manœuvre suffisante au gouvernement.

L’injection d’une telle somme dans l’économie par le biais d’augmentation de salaires et d’autres programmes de dépenses comporte en revanche un risque potentiel moins illusoire : l’inflation, qui oscillait ces derniers mois autour de 3.7%. A cela s’ajoutent les prix de plus en plus élevés du blé sur le marché international, qui ont quasi doublé cette dernière année et ont sensiblement augmenté à la mi-mai.

En Algérie, septième importateur mondial de blé, la consommation de blé par habitant s’élève à environ 210 kg ; elle est 2.5 fois plus élevée qu’aux Etats-Unis et près de deux fois plus importante que dans les pays de l’Union européenne (UE). Après plusieurs semaines d’inquiétude, les pluies tombées vers la fin avril ont permis au gouvernement de lever les alertes à la sécheresse et devraient stimuler la production céréalière locale, et réduire ainsi une dépendance coûteuse aux importations. En outre, les dépenses supplémentaires consacrées aux subventions en vue de maintenir des prix abordables, et les exemptions de taxes sur les produits essentiels devraient également permettre de juguler les pressions inflationnistes. Le budget prévoit un taux d’inflation de 4% pour l’ensemble de l’année 2011.

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